Un roman en miroir
Sans rancune raconte le parcours social, sous la colonisation belge, du jeune Kabuku, secrétaire d'un administrateur territorial, dont l'ambition, qu'il satisfera, est d'accomplir des études universitaires en Europe. Sous son regard, ce sont deux sociétés qui sont décrites, avec lucidité et ironie: la société coloniale dans la première partie et, dans une deuxième partie, miroir exact de la première, la société occidentale présentée aux colonisés - et vue par eux - comme le parangon de la civilisation. Mais surtout, dans un contexte de fin de régime où se font jour les revendications d'autonomie des Africains, se pose, pour le jeune Kabuku, tiraillé entre deux modèles, traditionnel et européen, et entre son ressentiment envers le colonisateur et son rêve de l'égaler, la question qui traverse tout le roman: les communautés blanches et noires peuvent-elles coexister sur le sol africain, et à quelles conditions?
Deux versions
Fait rare pour un roman, l'auteur a repris, près de quarante ans après sa première publication, l'écriture du texte de Sans rancune, en précisant ce qui avait été laissé dans le flou lors de la première mouture et en modifiant un élément essentiel du récit. Une modification qui permet au narrateur de débattre d'une question restée en suspens la première fois: si la paix entre communautés repose sur le pardon, le pardon lui-même exige-t-il l'oubli? En d'autres termes: peut-on se souvenir sans se venger?
Les différences entre les deux versions sont présentées dans une "lecture" approfondie qui en révèle les thèmes et les enjeux, rédigée par Mukala Kadima- Nzuji, professeur à l'université de Brazzaville et de Jean-Pierre Orban, écrivain et critique.
Une information inédite sur la fin de Lumumba
L'ouvrage s'ouvre aussi sur une introduction de Herbert Weiss, professeur émérite de l'université de New York, sur le contexte sociopolitique de la jeunesse de Thomas Kanza (1933-2004), qui connut une longue carrière politique, diplomatique (entre autres premier ambassadeur du Congo auprès de l'Onu en 1960, ministre des Affaires étrangères du gouvernement rebelle entre 1964 et 1966 et ministre du premier gouvernement Kabila) et universitaire (enseignant à Boston et Harvard, auteur de nombreux essais politiques). Repositionnant l'auteur et sa famille sur l'échiquier congolais autour de l'indépendance du pays, H. Weiss rapporte ainsi une information inédite sur la fin de Patrice Lumumba: un pacte secret entre le leader congolais et la future administration Kennedy qui, s'il avait été appliqué, aurait changé la face de l'Histoire...