Christophe Cassiau-Haurie
Si les auteurs africains commencent à se faire connaître dans le milieu du 9ème art franco-belge, la presse n'est plus le principal médium de diffusion de la BD. La presse spécialisée dans ce domaine est en effet de plus en plus fragilisée et le nombre de titres est en baisse nette depuis le début des années 2000. Cette situation n'a plus rien de commun avec la situation des années 70 et 80, époque où les périodiques spécialisés dans la bande dessinée étaient florissants et très actifs mais où, malheureusement, la bande dessinée africaine était balbutiante.
Il est difficile de dater les débuts des auteurs africains dans la presse occidentale.
En 2007, le festival Yambi, initié par la coopération belge sur l'importance des arts en RDC, avait permis de présenter une planche envoyée par un jeune lecteur congolais, resté anonyme, au journal Le petit vingtième dans les années 30, qui reprenait une histoire de Tintin traduite en lingala. On pourrait donc dater de cette tentative anonyme, les débuts de la présence africaine dans la presse européenne.
Cependant, les débuts réels, remonteraient aux années 70.
De façon quasi concomitante, des artistes des deux côtés du continent commencent à émerger.
En 1978, le couple d'artistes-peintres malgaches Xhi et Maa publiaient des récits courts dans trois numéros de Charlie mensuel (1). Ils feront même la couverture du N°117, une première pour des dessinateurs africains. Par la suite, en 1997, ils publieront un album chez l'éditeur réunionnais, Grand océan, avant de se consacrer définitivement à la peinture. La même année, sans que l'on puisse être sûr de la date exacte, les Algériens Mansour Amouri (dessin) et Mahfoud Aïder (scénario) publiaient La route de l'espoir dans Pif gadget.
Par la suite, en 1980, le Congolais Mongo Sisé fera une apparition dans l'encart Ecole de la BD du n°2188 de Spirou, avant de revenir deux ans plus tard dans le même journal et publier 4 pages dans le n°2314 (avec la série Mata Mata et Pili Pili). Il est imité la même année, par Barly Baruti, toujours dans Spirou (n° 2286). Il n'y aura plus de créateurs africains dans Spirou jusqu'à l'année 2006 où dans son n° 3565 du 9 août, le mensuel sort un supplément intitulé Zam Zam orchestré par Éric Warnauts, qui présentait les travaux d'une équipe d'artistes camerounais de l'association Trait Noir : Bibi Benzo, Almo the best….
Dans les années 80, l'éditeur Ségédo, qui publiait les titres Kouakou (créé en 1966), Carambole et Calao, décide de donner leurs chances à des auteurs africains de talent. Dès l'année 1983, Barly Baruti lance dans Calao, la série Mohuta et Mapeka (2). Quelques années plus tard, le malgache Richard Rabesandratana y est également hébergé avec la série Étienne (3). Enfin, en 1989 et 1990, un autre congolais, Augustin Nge Simety (4), publie dans Calao puis dans Kouakou, une série narrant les mésaventures d'un petit garçon à l'école : Lobo (5)…
Ségédo arrêtera ses activités à la fin des années 90. À la même époque, Bayard presse lance sur le continent deux titres à destination du jeune public.
Le premier, Planète jeunes, est un bimestriel édité à destination des jeunes adolescents du continent. Il propose des rubriques d'une grande diversité sur les sciences, la culture, les voyages ainsi que des pages d'informations sur la musique ou la danse. Accompagné d'un poster et d'un courrier des lecteurs, le magazine se veut proche de ses lecteurs. Le journal propose également des bandes dessinées amusantes et distrayantes comme la série Takef de Willy Zekid qui raconte sur un mode humoristique les déboires affectifs d'un jeune africain, mais aussi l'une des plus anciennes séries africaines, Lycée Samba Diallo, dessinée par le Congolais Pat Masioni, et qui dure depuis 7 ans. On peut y ajouter les biographies illustrées d'hommes célèbres que le Camerounais Christian Epanya proposait jusqu'en 2007, la série Les K libres animés par Simon Pierre Mbumbo jusqu'en 2002, mais aussi les nombreux travaux du Béninois Sonon, du Congolais Al'Mata, du Camerounais Almo et, depuis peu, du malgache Pov.
Le second titre, Planète enfants est le pendant pour les enfants de Planètes jeunes, le journal propose des fiches pratiques, des cartes-devinettes sur différentes disciplines, des pages sur la science, des fresques historiques illustrées, des contes. La revue se veut un outil pédagogique ludique. Les séries BD ne sont pas en reste, avec les planches Kola et Bela, Ka et Ba et surtout Max et Dina, séries cultes présentes depuis presque 10 ans.
Malheureusement, le nombre de journaux de bandes dessinées en France est en berne depuis une dizaine d'années, diminuant d'autant les chances des auteurs africains d'y tenter leur chance. On assiste alors au développement d'une forme de presse faite par des Africains installés en France, à destination d'un public essentiellement africain ou tout du moins, sensible aux cultures africaines.
1. N° 109 : Les zoams (10 pages), N°112 : Amulette (4 pages), N°117 ; Zoams et Dahalos.
2. 11 planches seront éditées entre les N°55 et 68. En 1987, cette série fera l'objet d'un album aux éditions Afrique éditions (RDC).
3. En 1987 (n°82), 1991 (n°102), 1992 (n°103, 104, 107, 108), 1993 (n°109 à 112).
4. Augustin Nge Simety vit aujourd'hui en France où il travaille comme illustrateur et graphiste. Il a dessiné deux albums de BD pour les éditions réunionnaises Orphie.
5. Dans Calao en 1989 et 1990 (6 planches entre le n°90 et le 96) et dans Kouakou en 1993 entre le n°159 et 163.
6. Le troisième tome sort en janvier 2010.
7. Afro-Bulles, Vol. 1, Couleur café, Palmier Vert/ADBT, 2002. ISBN 2951069332
8. Afro-Bulles, Vol. 2, La piste Malagasy, Palmier Vert/ADBT, 2003. ISBN 2951069340
9. Afro-Bulles, Vol. 3, Afrobulles, Afrobulles, 2004. ISBN inconnu.
10. Afro-Bulles, Vol. 4, Africalement, Afrobulles, 2006. ISBN 2-916690-00-1
11. Ekofo Mukalenga est le nom du personnage principal. Ekofo est un nom très répandu chez les Mongo, une tribu du nord de la RDC qui a la réputation d'être " très libre " sexuellement. Mukalenga, est un nom Kasaïen, une autre tribu du centre, à qui les autres congolais reprochent leur vantardise, Tout cela laisse imaginer de la nature du personnage... Cette série relate la vie en exil des anciens barons de l'époque de Mobutu.
12. Le candidat est déjà sorti sous format de poche en RDC en 2004.
13. Le site existe encore : http://www.suka-epoque.de/index.htm