Phil Darwin : « Tout le monde abuse du pouvoir mais en Afrique on envoie l’armée ! »

Entretien avec Julien Le Gros

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Grand voyageur, Phil Darwin a puisé matière à rire dans les différences culturelles. Le résultat est un spectacle jubilatoire : This is Phil Darwin

Rebeu – Renoi – Reblanc, portrait
Prénom : Phil
Nom : Darwin-Nianga
Âge : 34 ans
Signe particulier : doit sauter à l’oreille des filles pour leur parler.
Devise : « on est tous des Re ! »
Tout le monde connaît au moins un sketch de Phil Darwin : celui du jeune blanc qui invite une fille noire à prendre un verre et lui propose de partager l’addition. Ça marche d’autant mieux que c’est du vécu !
Les différences de culture sont le point d’orgue de l’humour de ce Franco-Congolais. Avec un père diplomate, Phil a beaucoup voyagé en Afrique subsaharienne, en Europe et au Maghreb. Alors, les différences culturelles, il connaît. Mais sur scène, il préfère opter pour l’allusion, la subtilité. L’air de rien, Phil prône la fraternité entre les peuples. Ici et là, l’humoriste évoque aussi les problèmes d’intégration : c’est l’égalité, la même chose. On est tous des « re » ! Phil aborde également le problème des CV anonymes ou encore la place des minorités dans les médias. Quant au Printemps arabe, Phil en parle avec d’autant plus de verve qu’il a été joué en Tunisie durant le régime du président Ben Ali. Et si Phil Darwin aime aiguillonner les autres, sa première victime c’est lui-même. Sa petite taille ? Il ne se prive pas de la tourner en dérision !
Mais comme le costume de petit rigolo est bien trop étroit pour lui, Phil sera, fin janvier, à l’affiche d’un monologue dramatique écrit par Jean-Luc Raharimanana, Des ruines… histoire de décortiquer les rapports Nord-Sud, l’esclavage ou encore les Indépendances.

This is Phil Darwin ! entretien
Comment as-tu été amené à faire du stand-up ?

C’est la comédie qui est venue me chercher. J’étais à l’école primaire. J’ai eu l’opportunité de faire du théâtre. C’est à ce moment que j’ai découvert ma passion pour cet art qui est la comédie. J’ai décidé d’en faire ma vie.
Quelles sont tes influences ?
J’ai des influences plutôt nord-américaines : Eddie Murphy par exemple. J’apprécie beaucoup son humour. Du stand-up avec plusieurs illustrations de personnages pour mieux présenter la situation, mieux embarquer le spectateur. J’aime aussi beaucoup Chris Rock et Dave Chapelle.
Être fils de diplomate t’a permis de voyager. Les voyages ont nourri tes spectacles. Peux-tu en parler ?
C’est vrai que j’ai eu la chance par le métier de mon père de découvrir l’Afrique noire, l’Europe, le Maghreb. Je me suis enrichi de ces différentes cultures et j’en ai fait un spectacle. C’est ça que je partage dans This is Phil Darwin.
Peux-tu évoquer ce que tu as appris de ces voyages ?

Mon père a été en poste au Maghreb plusieurs années. Comme je le dis dans mon spectacle, j’ai découvert que le Maghreb n’est pas seulement un autre monde mais une autre planète. Il y a des us et coutumes, une manière de vivre, avec beaucoup de gestes, qui est propre à ces gens. Cela m’a beaucoup surpris. Je n’ai jamais autant ri que quand je vivais là-bas. Au Maghreb, en Afrique noire, en France il y a beaucoup de différences d’appréciation du romantisme. La façon de draguer, d’exprimer son amour. Je t’aime, en Afrique noire, c’est un joker. On ne le gaspille pas. En France on préfère le dire plus souvent, peut-être pour rassurer sa moitié. En Afrique on juge que : « non non non ! si on l’utilise trop souvent il va perdre sa valeur ! ». On part du principe que quand on l’utilisera pour retenir la personne qui veut s’en aller ça ne marchera plus ! Ce sont toutes ces différences de culture que je mets en exergue.
Les différences de codes, de cultures, c’est le fil conducteur de ton spectacle ?
Il y a ça mais aussi l’actualité. L’un des principes du stand-up est de parler de l’actualité. Mais je parle aussi de moi. J’ai vraiment galéré à cause de ma taille. Surtout pendant les boums avec les filles qui portaient des talons aiguilles. Pour leur parler il fallait que je saute jusqu’à leurs oreilles pour dire un mot. Après je saute à nouveau pour aller chercher la réponse. Ce n’était pas évident ! Le spectacle évolue au fur et à mesure de ce qui se passe. Par exemple, je suis allé au Mali en février dernier. J’ai découvert un autre peuple, une autre culture. Ça m’a donné l’occasion de préparer et de tester des sketches sur le Mali.
Dans ton spectacle tu fais des allusions à la Tunisie. Toi qui as vécu dans ce pays, mais aussi au Maroc et en Algérie, qu’est-ce que t’inspirent la révolution de Jasmin et les autres ?
Cela me fait chaud au cœur. Ça veut vraiment dire, comme je l’ai dit sur scène, que l’union fait la force. Pourquoi ces régimes ont tenu aussi longtemps ? C’est parce qu’il n’y avait peut-être que dix personnes qui allaient manifester. Dix on les tue. On les met en prison. En Tunisie, il n’y a pas eu de leader. Tout le peuple était uni contre Ben Ali. On ne peut pas emprisonner ou tuer dix millions de Tunisiens. Sinon il allait gouverner qui ? C’est pourquoi Ben Ali a dû céder. Les gens ont compris que si on était uni on pouvait faire plier n’importe quel régime. C’est ce qui s’est passé également en Égypte. Mubarak a anticipé, fait des concessions… mais c’était trop tard. Le peuple a dit stop, s’est uni contre lui et voilà !
Ce sont des thèmes que tu vas développer dans de prochains spectacles ?
Oui. C’est important d’en parler, de le souligner, quitte à faire de la dérision. Mais c’est important de marquer le coup. J’ai été jouer en Tunisie pendant le régime Ben Ali. Quand on voyait mon texte, c’était censuré ! Il y avait des choses que je n’avais pas le droit de dire. Tout ce qui touchait de près ou de loin le régime était censuré. Il y avait une blague sur un dictateur que je ne pouvais pas faire. Il y avait plein de petites vannes de second degré que je ne pouvais pas faire. Les autorités avaient peur que les gens se disent : là il est en train de taquiner le pouvoir. Ce n’est pas spécialement le pouvoir tunisien que je taquinais mais l’exercice du pouvoir en général. Il y a plein de choses que j’ai été interdit de faire. J’ai joué le jeu mais c’est une très bonne nouvelle que ce soit fini comme ça.
À un moment dans ton spectacle, tu fais une blague sur la possibilité que ces révolutions se propagent en Afrique noire.
C’était juste une blague. Cela peut s’étendre en Afrique noire. Mais, encore une fois, ce sont des cultures totalement différentes. En Afrique noire, on n’a pas beaucoup cette culture de la grève, en général. Nous n’avons pas la culture de grands syndicats qui feraient des marches. Je pense que les dirigeants africains vont anticiper. Une fois que Ben Ali est tombé, on s’est dit que c’était une exception propre à la Tunisie. Hosni Mubarak, qui est là depuis plus longtemps que Ben Ali est tombé aussi. Cela devient sérieux. Et ça s’est propagé en Libye, un petit peu partout. Je crois que les présidents noirs africains vont anticiper en commençant à lâcher du lest. Ils vont donner un peu plus de liberté au peuple. Quant à la possibilité que les peuples noirs africains se soulèvent, je ne sais pas trop. Je suis un peu sceptique.
Tu traites aussi des abus de pouvoir, notamment des dirigeants africains, avec une métaphore sur la construction d’un pont entre un Américain et un Africain.
Clairement tout le monde abuse un peu du pouvoir, que ce soit en Occident ou dans le Tiers-monde, autant dans le Nord que dans le Sud. Ayant vécu et en Afrique et en Europe j’illustre la différence d’abus de pouvoir entre ces deux continents. C’est beaucoup plus flagrant en Afrique. C’est tellement flagrant que c’est indécent vis-à-vis du peuple. En Europe aussi ça arrive mais généralement on l’apprend dix ans après : »Ah oui quand il était au pouvoir il avait fait ça ! » Chez nous le dirigeant le fait aujourd’hui. Le lendemain tout le monde le sait. Mais personne ne peut rien dire. Ceux qui parlent le soir, le lendemain l’armée est là : « C’est toi qui as dit ça ! Non non, c’est pas moi !«  Je voulais dénoncer ça.
Ta culture d’origine c’est le Congo-Brazzaville Peux-tu en parler ?
Je suis né au Congo. J’y suis retourné des années plus tard. J’ai eu la chance de profiter de cette culture congolaise, de m’enraciner, me baigner dedans. C’est encore une autre culture. Je l’évoque un peu dans le spectacle. La première religion au Congo c’est la sape. Le costard cravate, les vestons de croco, une certaine culture de l’élégance. On a cette particularité. J’ai fais beaucoup d’humour sur la culture congolaise. Après ça dépend du public. Quand je joue pour l’ambassade du Congo j’en parle un peu plus. Quand je vais en Afrique noire, ils y sont sensibles donc j’en parle un peu plus. J’adapte par rapport au lieu où je me trouve. Je reste, de toute façon, un porte-parole du Congo, de la culture congolaise.
L’intégration ou la non-intégration justement en France des minorités est un sujet récurrent dans tes spectacles.
Je pense sincèrement qu’il ne faut pas arrêter d’en parler. Si on arrête d’en parler ça va s’évanouir dans la nature. Ce sera dans la pensée commune et vu comme « normal » qu’il y ait une discrimination. Il faut en parler et à chaque fois remettre le sujet sur la table, ouvrir le débat. Il est bon qu’on puisse enrichir ce débat et le faire évoluer.
Dans ton spectacle tu évoques notamment les CV anonymes, censés faire diminuer les discriminations à l’embauche. Pour toi ça évolue sur ce sujet ?
Je ne sais pas si cette question évolue. On ne met pas de nom, pas de photos. On voit juste la qualification. Le problème est que l’embauche ne se fera pas là. Je reçois un CV anonyme. Pas de nom Rien ne m’indique l’origine de la personne. Le profil correspond. D’accord. Mais il faut bien que je reçoive cette personne en entretien. Une fois que je la reçois, je vois bien si la personne est noire, arabe, ouzbek, de telle ou telle origine. Même si l’entretien est concluant, en tant que recruteur rien ne m’empêche de dire : « On vous rappellera !«  Le CV anonyme peut aider à obtenir un entretien. Si à l’entretien le candidat est si impressionnant que le recruteur se dit : « Je m’en fous de ces origines je le veux« . Là, d’accord. Mais s’il se rend compte que la personne est de telle origine et que cela ne l’intéresse pas par rapport à ce critère-là, il ne le rappellera pas. Cela n’aura rien changé que le CV soit anonyme.
Tu te nourris on l’a dit de ton propre vécu. Un de tes sketches te met en scène en tant que bagagiste à Roissy. Tu l’as vraiment été ?
Non. Je n’ai pas été bagagiste à Roissy. C’est ma sœur qui travaille à l’aéroport. Elle était un moment à l’enregistrement des bagages. Dès qu’elle avait un passager qui négociait des bagages elle m’appelait le soi-même pour me raconter : « Oh il m’est arrivé un truc. Une femme avec quatre-vingt-quinze kilos de bagages. Elle cherchait à négocier les excédents…«  Ma sœur m’a dit tellement d’histoires drôles par rapport à ça que j’ai décidé d’en faire un sketch. Je me suis mis dans le personnage de celui qui enregistre les bagages. J’ai joué le rôle. Cela aurait été moins drôle si j’avais dit : « Ma sœur travaille à l’aéroport. Il lui est arrivé ça et ça… » C’est comme si j’éloignais le public de l’histoire. Je trouvais beaucoup plus marrant de jouer moi-même le rôle. Je suis rentré dans le personnage du passager, de la Camerounaise, après je me suis raconté en train d’enregistrer. J’ai tourné comme ça et si je vous ai convaincu que c’est moi qui ai eu cette expérience à l’aéroport c’est que je l’ai vraiment bien joué ! Rires

Il y a une autre anecdote qu’on a dû te rapporter et qui t’a inspiré un sketch célèbre : celle du malentendu entre un petit blanc français et une Africaine invitée à prendre un verre.
On me l’a raconté, notamment mes sœurs. C’est arrivé à beaucoup de gens cette histoire de : « On partage.«  J’en ris parce que c’est simplement culturel. En Afrique noire c’est impensable d’inviter une fille et de lui demander de payer sa part. En revanche si tu vois une fille régulièrement ou que tu sors avec elle et que c’est elle qui dit : « J’ai un peu d’argent. J’aimerais t’inviter à manger. » Cela se fait aussi. C’est plaisant. C’est elle qui prend l’initiative de t’inviter. La personne qui invite est celle qui doit payer. Si par contre je dis « On va prendre un verre ou faire une soirée ciné«  c’est différent. Je propose qu’on passe une soirée ensemble. Mais si je propose de t’inviter dans un restaurant c’est à moi de payer car tu n’avais pas prévu de le faire. Tu n’as peut-être pas d’argent pour sortir ce soir-là. Tu vas dire oui parce que tu es mon pote. Mais si tu es fauché comment fais-tu à la fin ? C’est ça que j’ai voulu pointer. Dans la culture africaine, tu invites une fille au restaurant, tu la dragues et tu lui demandes de payer. Tu ne vas plus la revoir ! Elle va mal le prendre ! C’est culturel. Ici beaucoup de filles vont réagir autrement : « Je suis indépendante. Je paie ma part. Je ne veux rien lui devoir. Il a payé, donc il pense que je suis obligée de sortir avec lui.«  C’est un autre point de vue. J’estime que quand tu fais la cour à une fille tu es gentleman : tu paies. Si elle te répond : »OK tu paies mais la prochaine fois c’est moi ! » C’est cool aussi. Ça veut dire qu’il y a déjà un deuxième rendez-vous ! (Rires).
Pour aborder un sujet plus sérieux tu évoques les États-Unis et notamment l’image d’Obama en France. Tu le décris dans ton sketch comme « noir avant l’élection présidentielle et président métis après. »

Je pense que personne n’y croyait à cette élection d’Obama. Quand j’emploie les expressions : « candidat noir » ou « président métis » c’est vraiment pour lire entre les lignes. Quand il a commencé sa campagne personne n’y croyait. On s’est dit : « ça va faire du bien aux noirs parce qu’on va parler du premier candidat noir qui est arrivé à telle étape, jusqu’à l’investiture démocrate. » Mais personne ne pensait qu’il allait passer. À un certain moment quand il y a eu le ticket Mc Cain – Sarah Palin et que lui a été associé à Joe Biden on s’est dit que c’était possible. On a vu l’engouement que ça a pris parce que Obama a dû refuser de l’argent public pour sa campagne. Il a pris un très gros risque. Il avait droit à de l’argent public mais pas à l’argent privé en même temps. Au final, Obama n’a compté que sur des fonds privés. Son directeur de campagne, son équipe avaient peur : « Si on n’a pas assez d’argent privé pour faire la pub, les spots, comment va-t-on faire ? » On s’est rendu compte que c’est le monde entier qui a aidé Obama. Des personnes ont versé des sommes de 5 dollars, 10 dollars sur son site. Il y a eu des dons. L’engouement a été sans précédent. C’est là que les gens se sont dits : « Oh oh il risque de passer ! » Il est passé et c’est là que le discours a changé. Une fois qu’il est devenu président on a parlé de « métis ». Des blancs ont revendiqué qu’il y a « une moitié de chez vous mais une moitié de chez nous.«  Mais quand il était candidat c’était plutôt : « votre candidat le Kenya-là, il ne passera jamais !«  C’était un peu ça ! (Rires). Obama n’est pas le messie. C’est un homme avec ses qualités et ses défauts. Il n’a pas toutes les cartes en main. C’est compliqué sur certains dossiers. Mais symboliquement c’est très bon, et pour la communauté noire, et pour tout le monde. Même pour les racistes, ceux qui pensent que les noirs sont intellectuellement inférieurs aux blancs : « Merde, il est président ! » Il a fait Harvard. Il est président des États-Unis. » Ça bouscule un peu les certitudes et c’est une très bonne chose.
À propos de la politique étrangère des USA, tu parles aussi des troupes américaines en Irak qui selon ton sketch ont raté leur « intégration » ?
C’est un pied de nez à l’actualité mondiale, même si on parle moins de l’Irak actuellement. Dans mon spectacle je dis : « Quand on est en Afrique on fait tout pour aller en Europe. » C’est vrai. Pour l’instant les Africains pensent que c’est ici l’Eldorado. Quand on est en Europe, plus que l’Europe ce sont les États-Unis, le rêve américain. « Quand on vit aux États-Unis… on fait tout pour aller en Irak.«  C’est une blague par rapport à ces deux présidences Bush qui ont conduit à deux guerres en Irak. C’est un pied de nez à cette hégémonie américaine et à la famille Bush.
Tu as aussi parlé dans ton spectacle de l’arrivée du présentateur Harry Roselmack sur TF1 : « un vigile au 20 heures ! » C’était il y a quelque temps. Penses-tu que cette représentation des minorités dans les médias a évolué ?
Ça va en évoluant parce que le choc, entre guillemets, est passé. Harry Roselmack à TF1 c’était l’électrochoc : « Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi ils ne l’ont pas mis sur France Ô ? » En même temps il n’y en a pas des dizaines. C’est toujours Harry Roselmack la référence. Après il y a de plus en plus de noirs sur des chaînes. France Ô est passée sur la TNT nationale. C’est quand même France télévisions. Il y a de plus en plus de gens issus de minorités qui arrivent, qui s’installent. Ça deviendra normal quand on n’en parlera même plus. Quand les gens zapperont, ils verront juste leur journal sans se poser de question, sans se dire : « Tiens, ils ont mis un Noir sur la 1.«  Il faut qu’il y en ait de plus en plus pour que ce soit normal. Mais je pense que ça va en progressant.
As-tu le sentiment d’être un humoriste engagé ?
Quand on regarde mon spectacle entre les lignes on s’aperçoit que des messages sont transmis. Il y a plein de messages que je livre. Mais je veux tout faire passer avec humour, avec un fil rouge. Je ne vais pas venir avec un drapeau et revendiquer. Je vais faire dans l’humour et la subtilité. Dans le spectacle il y a quelques piques à gauche à droite. Je ne me vois pas simplement arriver sur scène, avoir cette tribune, un public qui est là et juste faire rire pour rire. Il y a des choses à dire. On a la chance d’être écoutés par beaucoup de gens chaque soir. Il faut utiliser cette tribune pour faire bouger les choses du mieux qu’on peut.
Quels types de messages prétends-tu faire passer ?
Le premier message que je fais passer est au début du spectacle. Quand je dis : « Il y a des Renois, des Rebeus, des Reblancs. » Le message est là. On dit Rebeu, Renoi mais Blanc à part. C’est comme si on mettait Noirs et Arabes dans le même sac. « Rebeu Renoi Reblanc » c’est l’égalité, la même chose. On est tous des « Re » Mon spectacle s’ouvre avec ce message d’égalité, de fraternité. Comme on dit en Afrique : on est ensemble. C’est une famille, une fratrie. Ensuite je me moque de chacun d’eux. Il faut déjà partir de cette base pour avancer. Pas venir seulement en critiquant, il faut d’abord mettre tout à plat. Nous sommes tous des frères. Sur ces frères-là, j’ai ça à dire etc.
Tournes-tu souvent en Afrique ?
Je tourne de plus en plus en Afrique. Je tourne beaucoup au Maghreb. Mais là je vais attendre que ça se calme !
Peux-tu évoquer ton expérience au Mali ?
C’est la première fois que j’y suis allé. J’ai joué dans une très belle salle, un très beau théâtre qui s’appelle le BlonBa, à Bamako. La plupart des gens qui y vont sont surpris de voir une aussi belle salle en Afrique. Elle est vraiment bien équipée, plus belle que beaucoup de salles de Paris. La salle était pleine à craquer, le public chaleureux. J’ai remarqué qu’il y a une grosse demande d’humour en Afrique. Dans la plupart des pays d’Afrique noire le divertissement se limite un peu aux restaurants aux boîtes de nuit et aux bars. Ils ont besoin de se divertir autrement, notamment par l’humour. Quand j’ai fait mon spectacle j’ai été super bien accueilli. Les gens étaient contents de me recevoir Ils riaient vraiment à gorge déployée… Ici à Paris il y a tellement de spectacles, tellement de choix… Je constate qu’à Paris ceux qui rient apprécient, se sentent concernés. Mais ils rient timidement « huhuhu » juste un peu. Ils ont vu tellement de spectacle qu’ils sont un peu blasés. Là-bas il y a ce manque qui déclenche cette réaction enthousiaste. Pour moi c’est génial d’avoir un retour si chaleureux. Il y a vraiment quelque chose à développer dans ce sens-là en Afrique.
Ton spectacle joue sur les clichés comme l’Antillais paresseux qui porte la « flemme olympique ». Pour toi c’est une manière de tordre les clichés ?
Il faut rire des clichés. Si on n’en rit pas on va les laisser s’installer, comme une vérité vraie. Pour les enfants qui vont grandir ce ne sera pas une blague de dire que les Antillais se comportent de telle façon. Quand j’en parle on en rit avec le public. Si les gens ne rient pas pendant que je fais mon sketch, là ça me ferait peur. Ça voudrait dire que pour eux, c’est imprimé dans leur cerveau que c’est vraiment comme ça. On a eu Marie-Josée Pérec, Thierry Henry, les sportifs, on sait que ce n’est pas comme ça. Dans tous les peuples il y a des gens un peu flemmards, un peu en retard. Il faut en rire pour que les gens percutent bien que c’est pour rire !
Pour finir, quelle est la différence entre This is Phil Darwin et les précédents spectacles ?
Il n’y en a pas vraiment. C’est un spectacle qui s’est plus ou moins installé. Il a beaucoup évolué. Quand on regarde bien il n’y a pas vraiment de titre de spectacle. Ce n’est que Phil Darwin. J’ai imposé cette appellation car il y a eu beaucoup de malentendus sur les titres. « 100 % Maghreb » n’a jamais été le titre de mon spectacle. C’est une version inédite du spectacle. Dans le show, j’évoque le Maghreb un quart d’heure. Je voulais faire un « délire » : parler du Maghreb pendant une heure. C’était un défi. Mais je n’ai fait que cinq représentations avec cette formule. Ça a fait un tel « buzz » que les gens se sont dit : « C’est le titre de son spectacle. » Les médias ont relayé ça. Comme il y a eu cet amalgame j’ai décidé de poser un titre définitif : This is Phil Darwin On va se tenir à ça jusqu’au DVD !

Extrait du spectacle Des ruines

En savoir plus :
This is Phil Darwin en tournée en France jusqu’à fin décembre 2011.
Des ruines, monologue dramatique de Raharimanana mis en scène par Thierry Bédard, du 18 janvier au 19 février 2012 à la Maison de la poésie (Paris 3e)


[www.phildarwin.com]
///Article N° : 10520

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