Négrissim’ : « L’école du micro de bambou »

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Ce sont des pionniers du hip-hop made in Cameroun. Les Négrissim’ reviennent avec Bantoo Plan volume I : un rap de la brousse planétaire, enregistré entre le Cameroun, la France, la Suède et l’Italie.

Depuis l’époque où ils scandaient : « Négrissim’ est dans la place ! Négrissim’ est dans ta face ! », ils ont sacrifié leurs dreadlocks mais pas leurs idéaux. Négrissim revient avec Bantoo Plan volume I. L’album célèbre l’amitié d’une bande de potes camerounais : deux frères Bétis (1) de Yaoundé, les frères Sassene (Evindi et Sundjah) et un MC Bassa (2) de Douala, Sadrac Ngué Pondi AKA Sadrake. Depuis plus de quinze ans, ils s’emparent du micro pour envoyer une pulsation, brute de décoffrage, à la fois urbaine et imprégnée de sons traditionnels d’Afrique centrale : le « hip-hop de la brousse ». « Yaoundé est au cœur de la forêt »,rappelle Sundjah. « On a été influencé par le rap américain »[Dans le titre La lutte un clin d’œil est fait à Public Enemy avec la phrase « Power to the people » NDLR]. Mais on a voulu façonner un hip-hop qui soit à l’image de notre forêt équatoriale. »


La rencontre
Steeves « Evindi » et William « Sundjah » Sassene naissent à Evry (Essonne). « Quand on est arrivé à Yaoundé, j’avais 9 ans. » Les deux larrons grandissent dans la ville aux sept collines. « On avait les soucis de tous les jeunes du monde. On se demandait quoi faire de nos vies. Les concerts de rap étaient rares. » La passion de la rime et du flow les amène à créer un groupe La source, avec un concepteur musical, aujourd’hui disparu, Wiz’ O Clock. Puis, un jour de janvier 1995, à la Maison de la radio de Yaoundé, le destin met sur leur route un MC hors pair, Sadrake. « J’allais souvent en vacances à Yaoundé, »raconte Sadrake. « J’ai été invité à rapper à la radio FM 94, la seule à l’époque, dans une émission urbaine, animée par Nadine Patricia Mengue. Le courant est tout de suite passé avec mes collègues ! »Les Négrissim’ sont nés !
Le Ghetto
Les Négrissim’, vite enrichis par un rappeur de Douala, Boudor (3), créent un univers coloré, positif, tout en portant en eux la révolte de la jeunesse des quartiers populaires. « À Yaoundé on connaissait comme notre poche les quartiers : Cité verte, Kondengui, Ngousso, Omnisport… C’était notre zone ! »proclame fièrement Evindi. Sadrake a lui aussi été confronté très tôt aux réalités du ghetto « À Douala, j’étais dans les quartiers périphériques : PK 9 PK 10. Plus tard, à Yaoundé, j’ai vécu à Nkolndongo et Mvog Ada. Ce sont des quartiers avec une promiscuité telle que pour arriver chez toi tu passes par la cuisine ou le salon de quelqu’un ! Ça puait. Parfois, la nuit j’entendais des coups de feu ! Mais en même temps il y avait une espèce de joie, d’explosion de vie, les rires des enfants dehors… »


De la censure à l’exode
Le « posse »qui a le « nez dans le rythme » [référence à leur premier morceau NDLR] n’a pas pour autant les faveurs du pouvoir. En 2000 le groupe fait un concert au Palais des Congrès de Yaoundé- « entre deux grosses affiches du père de la Nation : Paul Biya, » ironise Sundjah- pour défendre son premier album : « Appelle ta grand-mère » « Sur le titre Masques, on avait une mise en scène assez spectaculaire, avec des cordes à couper sur scène pour montrer qu’on était libres. On dénonçait l’hypocrisie ambiante dans la société. Dès les premières paroles on nous a coupé le micro ! » Fatigués par ce climat délétère, par les « politichiens », et animés de l’envie de se frotter aux pointures du rap comme Daara J, Pee Froiss et Positive Black Soul (4), le trio se lance dans un périple pour Dakar. « On était jeunes, naïfs, fauchés. On pensait arriver en un mois. On a mis deux ans ! » s’esclaffe Sundjah.Ce voyage initiatique, « fait de galères, de scènes et de rencontres extraordinaires » à travers le Nigeria, le Niger, le Mali et le Burkina Faso est conté dans l’album La Vallée des rois en 2009. Une fois à Dakar, à la faveur du festival Hip-Hop Awards, les trois Camerounais rencontrent leur actuel DJ Maxime Chevillotte, alias DJ Max.


Négrissim Toute une vie par sundjah60
Le plan bantou
Depuis, les compères ont mûri et vécu leur bonhomme de chemin. « Chacun a créé sa base », explique Sundjah. « Moi à Bari en Italie, Evindi en Suède et Sadrake entre l’Europe et le pays. » Des quatre coins de la planète le trio a constitué son nouvel album en s’envoyant des fichiers partagés. « Du worlwide verb » résume Sadrake. Une fois n’est pas coutumes il y est question »des problèmes politiques internationaux, du voyage, de l’exil. Quand on était plus jeunes on rêvait de l’Europe. Maintenant que mes frères sont installés et mariés là-bas, je constate qu’ils subissent les mêmes revers que je vis en Afrique ! » Sans se départir de son sens de l’humour : « Ce monde a besoin d’arithmétique : art rythme et éthique ! »
En savoir plus :
 Le site officiel [ici]
Le projet de Sadrake pour développer le hip-hop camerounais [ici]

1. peuple d’Afrique centrale présent au Cameroun et Au Gabon, comprenant notamment les Ewondos, les Etons et les Bulus
2. peuple bantou présent dans la région située entre Douala et Yaoundé
3. Tonton Boudor vient de sortir un album solo au Cameroun intitulé Toute vérité n’est pas bonne à dire
4. figures emblématiques du rap au Sénégal
///Article N° : 11210

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Les images de l'article
Négrissim' © Sébastien Bonijol RFI





Un commentaire

  1. Jr Minyono Prequel le

    Negrisim… Cette bande de joyeux lurons au caractère bien trempé. Ils ont bercé ma jeunesse avec des sonorités à la fois fetives mais toujours très consciencieuses. On était tous  »Negrissim » dans l’âme

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