Débats-forums Fespaco 2023 / 16 : C.J. « Fiery » Obasi parle de Mami Wata

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Le réalisateur nigérian présentait en compétition officielle au Fespaco 2023 son film Mami Wata, qui y a reçu le Prix de la Critique africaine, ainsi que les prix de la meilleure image et du meilleur décor. Un village y vit à l’écart de l’extérieur, sous la tutelle de la guérisseuse Mama Efe, l’intermédiaire entre eux et Mami Wata. Sa fille Zinwe et sa protégée Prisca ont une vision différente de la survie du village. Elles seront rattrapées par la violence du monde mais réagiront. C.J. « Fiery » Obasi fut invité à en parler avec la presse et les professionnels après la séance de presse et lors d’un débat-forum. Transcription résumée.

Pourquoi un film en noir et blanc ?

Pour beaucoup de raisons ! Je ne le voyais qu’en noir et blanc. Il me fallait comprendre pourquoi. Au départ, en 2016, je voyais physiquement la dernière scène en noir et blanc. La jeune femme s’avançait vers Mami Wata, il n’y avait pas encore les villageois. Enfant, je voyais des films en noir et blanc à la télévision. Ils m’ont marqué. Et puis le noir et blanc est très spécial : à la différence de la couleur, il est politique, spirituel. Il correspond parfaitement aux corps noirs. J’ai donc fait des essais de mise en scène qui se sont avérés concluants.

Comment avez-vous développé l’histoire à partir de cette vision ?

Je me suis demandé qui était cette femme. Elle me renvoyait à mes soeurs défuntes. J’ai mis cinq ans à développer le scénario. Je voulais un message mais qui ne soit pas plaqué, en accord avec ma conception de la politique. Et puis j’adore les films de genre, et puise donc dans ce type de récits. C’est en essayant de sauver la jeune femme que l’on arrive à Mami Wata. Sans elle, pas d’enfant, pas de survie.

Quelle a été votre inspiration pour les maquillages, les costumes ?

Je base mon imaginaire sur la réalité de la culture ouest-africaine. Nous racontons des histoires mais il manque la beauté. C’était mon projet. Je me demandais comment mettre en valeur la femme avec ses pouvoirs. Le Brésil m’a bien inspiré, et bien sûr la culture nigériane. Je voulais que le film exprime mon amour pour la culture africaine autant que pour la peau noire. L’esthétique est politique. Je la voulais semi-organique, inspirée des contes africains. Avec le chef opérateur Lílis Soares, nous avons fait un voyage personnel. La politique, le peuple émergent derrière le mythe et la croyance, si bien que tout le film prend un statut politique. Il est une réflexion sur l’Histoire africaine, le colonialisme, la religion contre la spiritualité traditionnelle.

Vous mêlez effectivement divers thèmes.

Oui, la communauté des Noirs, la force des femmes, la soif de pouvoir… Mami Wata est une légende commune à tous les peuples africains. Lorsque Zinwe et Prisca se retrouvent sur la plage, c’est la question de la destinée de l’Afrique qui est manifestée : réalisera-t-elle son unité ? Un autre monde est possible. Que Mami Wata soit réelle ou pas n’a pas d’importance. La jeune femme voit en Mami Wata son reflet dans la mer. Elle est Mami Wata, comme on est Dieu dans la Bible.

Comment vous situez-vous face à la tradition et la modernité ?

Il devrait y avoir un équilibre. Prisca est très moderne mais elle croit en la tradition. Le Dieu que nous voyons est nous-même. Si le totem (qui représente l’identité, la destinée) était synonyme de pouvoir, Zinwe pourrait l’utiliser. C’est un symbole. On met la chose dans les objets mais ce n’est pas ce qui va nous sauver.

La musique porte le film.

Oui, Tunde Jegede a composé la musique originale, inspirée par les griots de Sénégambie. La chanson finale est d’Amadou et Mariam. Leur musique me semble correspondre à l’attitude de Prisca envers les gens. C’est le son de l’Afrique de l’Ouest ! Dès 2016, la chanson était choisie ! Elle est fédérative. De même, le pidgin parlé dans le film est compris de tous. Tout est en harmonie. Quand allons-nous montrer les Africains comme des Dieux ?

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