Boubacar Boris Diop

La langue en question

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Écrivain majeur de la littérature africaine contemporaine, Boubacar Boris Diop a, au cours d’une récente résidence de trois semaines à Bordeaux (1) initiée par MC2a, rencontré de jeunes Sénégalais dans le cadre d’un projet d’atelier d’écriture en wolof.
Il a su convaincre ce public d’abord sceptique – tant la valorisation de la langue n’est pas encouragé par le système social et scolaire français – de la nécessité de valoriser sa langue et sa culture d’origine.
Cette résidence aura également été l’occasion de rencontres avec le public, dont une orchestrée par Alain Ricard, chargé de cours à l’Inalco et directeur de recherche au CNRS où il a fondé le groupe de recherche sur les littératures d’Afrique noire.
En voici les principaux extraits.

Sembène Ousmane
Sembène a été assez important pour moi. Il est décédé alors qu’il préparait son film La confrérie des rats, qui devait être le dernier volet de sa trilogie sur les gens ordinaires.
Il a eu un parcours atypique avec la particularité comme il disait « de ne pas avoir eu la malchance d’aller à l’école ». Il a été tirailleur dans l’armée française durant la seconde guerre mondiale, puis ouvrier et maçon. Il est arrivé en France clandestinement par paquebot et est ensuite devenu docker à Marseille avant de rejoindre le parti communiste.
Suite à un accident de travail, il a commencé à écrire Le docker noir (2) qui a enclenché sa carrière d’écrivain.
Ce qui est particulièrement intéressant chez Sembène, c’est le fait qu’il soit passé de la littérature au cinéma. Il a commencé à faire des films sur le tard et même s’il a écrit l’un des plus grands romans de la littérature africaine, Les bouts de bois de Dieu (3), sa production cinématographique a pris le dessus sur l’expression romanesque. À travers ses romans, il s’est, comme beaucoup, exprimé avec la langue de l’ancien colonisateur. Faire du cinéma lui a permis d’aborder la question de la langue autrement. Cela pose la question du médium. Le livre est plus indirect que le cinéma qui frappe beaucoup plus fort, plus vite.
Une langue qui n’est pas la mienne
Je ne comprends pas vraiment cette sorte de résignation à une situation où, lorsque j’écris un livre, non seulement je l’écris dans une langue étrangère mais je ne peux pas le publier chez moi parce qu’il n’y a pas d’éditeur. En sachant qui plus est qu’il sera beaucoup plus lu en Europe que dans mon propre pays. Cette impasse, Sembène l’a résolue par le cinéma, et moi par le wolof.
Les auteurs de l’Afrique francophone sont face à une impasse. Selon les individualités, nous trouvons une solution. Au Sénégal – je n’aime pas parler de l’Afrique en général – très peu de gens ont la possibilité d’aller à l’école, de comprendre des romans écrits en français et même s’ils le comprennent, la majorité d’entre eux n’ont pas les moyens d’acheter les livres.
Les auteurs africains qui écrivent en français appartiennent à une élite coupée de la population. En Afrique persiste l’idée que l’on fait de l’art pour l’art, que l’on écrit pour la beauté du style, pour le caractère émouvant du récit et cela joue évidemment un certain rôle. Arrive alors le moment où l’on finit par avoir l’impression de prêcher dans le désert.
Dans les pays qui connaissent une sorte de désastre politique, certains écrivains ont la volonté de résoudre les problèmes sociaux. Je fais partie de ceux-là : en tant qu’individu, je suis en rapport avec la société, cette société est confrontée à des difficultés, alors j’essaye de changer les choses à mon niveau.
L’un de mes romans, Le cavalier et son ombre (4) travaille sur ce thème. L’héroïne, une jeune femme du nom de Khadîdja vit avec son compagnon dans le dénuement le plus total. Elle trouve un travail bien payé dans une maison cossue où elle est reçue par le gardien qui lui apprend que le propriétaire cherche une conteuse. Bien que ne sachant pas conter, elle accepte. Son travail consiste à conter face à une porte fermée sans qu’elle puisse jamais voir celui ou celle à qui elle s’adresse. Tout le roman est construit à partir de cette impossibilité pour la conteuse de communiquer avec la personne qui est de l’autre côté de la porte et dont elle ne sait rien, elle ne sait même pas s’il y a quelqu’un. C’est cela que j’appelle l’impasse.
Nous écrivons des romans dont parlent les médias. Nous pourrions nous en contenter mais avec un minimum de lucidité nous nous rendons compte que cela tourne en rond, que c’est dérisoire, que c’est une imposture. Vous ne parlez à personne et surtout vous ne parlez pas à votre propre peuple. Que faut-il faire ? Le grand écueil est là.
En me confrontant à cette problématique, je me suis dit : « j’écris des livres, ça marche plus ou moins, mais dois-je m’en contenter ? Ne pourrais-je pas être plus ambitieux ? ». En décidant d’écrire dans ma langue maternelle, j’ai un positionnement qui est presque politique au sens où il s’inscrit par rapport à un positionnement dans l’histoire.
J’ai fait le choix douloureux, difficile, ambigu, d’écrire dans ma langue. Dans l’immédiat je sais que c’est beaucoup plus compliqué et moins gratifiant même aux yeux de mon propre public que d’écrire en français, mais par rapport à l’Histoire, je sais que c’est cela qui est important.
Espaces anglophone et francophone
La question de la langue se pose avec plus d’acuité et de manière plus douloureuse chez les auteurs francophones que chez les auteurs anglophones au sud du Sahara. Les auteurs anglophones que je connais ne comprennent pas que l’espace francophone soit enfermé dans ce débat de la langue. L’écrivain kenyan Ngugi wa Thiong’o est le seul dans l’espace anglophone à poser la question de la langue disant qu’on ne peut pas considérer comme de la littérature africaine les textes écrits par des Africains en langue européenne. Il y a une sorte d’intégrisme linguistique chez lui ; mais c’est le seul auteur de cet espace à tenir cette position.
Selon certains, cela est dû l’héritage colonial. Les Anglais ont pratiqué en Afrique la colonisation indirecte : on encadre les colonies, on pompe les ressources mais on laisse intacte la culture et les structures politiques traditionnelles. Et d’ailleurs dans les institutions scolaires on encourage autant le recours à l’anglais que l’enseignement des langues africaines.
C’est pourquoi la plupart des auteurs du Zimbabwe et du Nigeria écrivent en shona, en yoruba, en igbo, en même temps qu’ils écrivent en anglais. La question de la langue est moins conflictuelle chez eux.
La colonisation française a été violemment assimilationiste. Durant la colonisation algérienne l’arabe a été une langue interdite. Au Sénégal, nous avons connu le fameux bonnet d’âne que l’on était obligé de porter quand on se faisait prendre en flagrant délit de parler notre langue.
Dans la sphère francophone, c’est beaucoup plus valorisant lorsqu’on appartient aux élites intellectuelles, avec ce que cela suppose comme aliénation, d’utiliser la langue française. On s’y repaît du matin au soir des Hugo, Montesquieu, Vigny et autres. C’est assez exceptionnel que les gens écrivent à la fois dans leur langue et en français. Le système ne l’encourage pas
Senghor et Cheikh Anta Diop
Tout écrivain sénégalais est confronté au « problème particulier » d’avoir Senghor pour président car il reste comme une sorte de référence. C’est encore plus fort pour les poètes qui ont un besoin conscient ou inconscient de se définir par rapport à lui. Il est difficile pour les poètes de l’Afrique francophone de se sortir de l’ombre de Senghor, et d’autant plus pour un Sénégalais.
On a en quelque sorte l’ombre gigantesque de Senghor sur le dos ! Je n’ai jamais été d’accord avec lui et ne m’en suis jamais caché. Il est mort, j’ai mûri et je serais beaucoup moins sévère aujourd’hui avec lui qu’autrefois. Je le considère comme un auteur important et un poète honorable. Mais en même temps, il reste pour moi furieusement francophone et je continue à penser que cela nous a causés du tort.
Senghor a été un grand homme d’Etat à beaucoup d’égards et un grand auteur mais il a tout fait pour empêcher le développement des langues locales. Et il a eu le pouvoir pendant 20 ans.
Face à Senghor, il y a eu Cheikh Anta Diop qui était nationaliste et estimait qu’il n’y avait pas de salut en dehors des langues. Le Sénégal c’est à la fois le pays de Senghor et de Cheikh Anta Diop, c’est ce que j’explique dans un texte publié dans L’Afrique au-delà du miroir (5).
Cheik Anta Diop est souvent cité, il existe même des clubs à son nom, mais rares sont ceux qui connaissent bien son œuvre.
Je me suis senti très tôt assez proche de lui. J’ai fait mes études secondaires au sortir de la période coloniale. Sur trente élèves nous étions deux ou trois Africains. La totalité des enseignants était composée de français, certains étaient très bien et d’autres particulièrement racistes. Je me souviens d’avoir mentionné – sans trop savoir ce que je faisais – le nom de Cheikh Anta dans une dissertation. Je devais avoir 16 ans. Mon professeur qui appréciait pourtant mon travail était alors entré dans une colère extrêmement violente que je n’oublierai jamais. Il m’avait dit : « votre Cheikh Anta Diop est fou à lier, il est bon pour la camisole de force ! ».
J’ai continué à étudier son œuvre et j’ai eu la chance de pouvoir le fréquenter.
Cet homme m’a formé en réalité.
Ce que l’on retient en général de sa pensée, c’est l’idée que les civilisations humaines ont pour berceau le monde noir, que l’Égypte ancienne étaie une civilisation noire. Il était égyptologue, physicien nucléaire, il travaillait sur le carbone 14, avait un laboratoire.
Il a consacré sa vie à développer cette thèse dans la plus totale solitude. C’était quelqu’un qui était respecté dans les communautés noires à travers le monde mais complètement marginalisé par l’égyptologie occidentale.
Il y a eu une sorte de malentendu parce qu’on est arrivé à un point où les thèses de Cheik Anta sur l’Égypte ancienne ont occulté le fond de sa pensée. Il a développé une hypothèse parmi d’autres et il a essayé de l’argumenter.
Je ne suis pas archéologue, j’accepte sa démonstration, mais je comprends qu’on puisse réfuter certaines choses. Cela ne doit pas empêcher la discussion.
La grossière erreur pour moi, consiste à ne voir dans Cheikh Anta que l’égyptologue. Son travail sur l’Égypte ancienne l’a conduit dans deux directions fondamentales :
La première c’est sa réflexion à partir de l’Égypte ancienne sur l’unité linguistique et culturelle de l’Afrique noire. L’idée qu’en réalité il y a un noyau dur, qu’il faut retrouver et travailler dessus. De là s’est construite toute une réflexion sur le fédéralisme et le panafricanisme en Afrique noire.
L’un de ses livres le plus important reste pour moi Les fondements culturels techniques et industriels d’un futur État fédéral d’Afrique noire (6), qui est très argumenté.
Il a aussi fait un travail essentiel sur les langues africaines. Pour lui, prétendre développer économiquement les pays africains ou promouvoir la démocratie à partir d’une langue étrangère, est un leurre.
Retour et recours au wolof
Le fait d’écrire en wolof ne signifie pas du tout que je suis en guerre avec une quelconque langue. D’ailleurs, on voit très bien dans l’histoire littéraire que c’est une position assez difficile à tenir.
Il y a trois exemples d’auteurs, Confiant, Boudjedra et Ngugi wa Thiong’o, qui ont laissé entendre ou dit très clairement – dans le cas de Ngugi – leur position par rapport à leur langue d’origine. Ngugi a écrit un texte qu’il a présenté comme son adieu à la langue anglaise en tant que langue de création littéraire. Mais au bout du compte, ce pari-là, aucun n’a pu le tenir.
Lorsque vous recevez une langue, elle est là, il faut vous en servir. Ceux qui n’ont qu’une langue sont dans l’infirmité.
Mais on n’est pas sur un terrain idéal où l’on se dit : « c’est 50 % wolof, 50 % français ». On est dans une zone de turbulences, on est dans l’émotion avec la langue. Il y a celle que parle ma mère, celle qu’elle comprend, et celle qui m’a été apportée par le conquérant, par le fer et le feu. Il y a des moments où tout cela se mélange et où on ne s’y retrouve pas forcément. On ne se promène pas d’une langue à une autre d’un pas tranquille et apaisé. Après avoir écrit Doomi Golo (7), j’ai écrit Kaveena (8) en français, suivi par la suite de L’Afrique au-delà du miroir. Je viens de terminer une pièce de théâtre en wolof qui va être publiée à Dakar.
La majorité des associations créées à l’étranger pour valoriser les langues du Sénégal sont – notamment en France – majoritairement axées autour du Pula. Concernant le wolof, c’est surtout au Sénégal que les choses se font. Il y a un mois, a été créée une Académie de langues nationales du Sénégal. Il y a eu beaucoup de débats autour de cela.
Il y a un certain déséquilibre car il existe beaucoup plus de matériaux pédagogiques autour du wolof qu’autour du pulaar. Mais le militantisme linguistique est plus marqué chez les haalpulaar’en – ceux qui parlent le pulaar. Ils sont très organisés car ils sentent le développement du wolof comme une menace. Le monde wolophone est dans une position dominante ce qui fait que l’on y sent moins la nécessité de s’organiser.
Mais il y a, en creux de tout cela, une menace politiquement sensible qui pèse sur le développement des langues du Sénégal. Lorsque vous essayez de promouvoir le wolof, les Sérères et les Pulaar disent qu’il y a un impérialisme wolof. Senghor a beaucoup joué sur cela pour imposer le français, disant que la seule langue que personne ne pourrait contester parce qu’elle vient de la loi, c’était la langue française.
C’est un faux problème.
Mon éditeur qui est pulaar (Éditions Papyrus, Dakar) et moi-même qui suis de langue wolof avons créé un journal bilingue wolof/pulaar pour montrer qu’en réalité le développement du wolof ne peut pas être une menace contre le sérère et les autres langues.
J’ai toujours plus ou moins écrit en wolof mais pour moi-même.
Mon premier roman en wolof, je l’ai publié parce que c’est au fond la suite de mon roman sur le Rwanda (9). J’ai été là-bas, j’ai essayé de comprendre ce qui s’y passait et je suis arrivé à un certain nombre de conclusions. Parmi les questions que je me suis posées, je me suis demandé pourquoi le monde entier a trouvé normal qu’un million de personnes soient massacrées dans des conditions aussi épouvantables en pensant qu’il n’y avait rien de nouveau sous le soleil, qu’après la Shoah c’était normal. J’ai lu des déclarations de journalistes et d’un certain nombre d’intellectuels occidentaux, dont des Français, crachant sur ces victimes.
Au-delà de la compassion à leur égard, au-delà du fait qu’humainement un génocide nous blesse au plus profond de nous-mêmes s’il y a encore de l’humanité en nous, si l’ONU et le reste du monde ont pensé que rien ne s’était passé, c’est aussi lié à une certaine image de l’Afrique et des Africains qui a beaucoup à voir avec la question de la culture, du respect de soi, de sa langue et de ses traditions.
J’ai mesuré à quel point développer les cultures africaines, revenir à ses racines était quelque chose de tout à fait fondamental. Comment procéder ? Cette prise de conscience a fortement motivé mon désir d’écrire dans ma langue maternelle.
Les autres textes que j’ai écrits en wolof, s’inscrivent dans la continuité de ce choix. J’ai écrit une pièce de théâtre en wolof parce que le dialogue avec le public est beaucoup plus direct. En l’écrivant, je la voyais constamment jouer.
De même, j’écris des poèmes en wolof. Mais cela s’inscrit dans une démarche plus intime, comme souvent en poésie. La mort de ma mère a aussi été un point de départ fondamental : j’ai eu besoin d’écrire en wolof pour continuer à dialoguer avec elle.
Les blessures communes
Je défends l’idée que l’Afrique est fragmentée, éclatée à partir des héritages coloniaux. Nous avons eu des parcours complètement différents mais nous avons une histoire commune. Nous avons hérité de la traite négrière et de la colonisation. Notre histoire est douloureuse. Ce qui fait notre communauté, ce sont nos blessures et celles-ci viennent de la cale du navire négrier. La première opération du tri entre les esclaves consistait à séparer les familles. Le père était par exemple envoyé en Jamaïque, la mère au Brésil, un des enfants en Amérique… etc. De la même manière, les communautés étaient disjointes. Étaient regroupées en partance pour l’Amérique des personnes qui ne parlaient pas les mêmes langues.
Cela traverse notre histoire et fonde dans cette douleur le désir d’unité.
Quand des Africains se croisent, ils se saluent fréquemment, très furtivement, sans se connaître. Cela signifie quelque chose par rapport à une histoire particulière mais nous devons admettre que notre histoire n’a pas été belle. C’est une histoire de peuple conquis, défait. Nous avons le droit de détester notre histoire mais nous ne pouvons pas nier qu’elle conditionne notre destin aujourd’hui. La fragmentation a eu lieu, nous sommes sortis de la cale du navire et nous sommes allés dans des directions différentes. Nos destins se sont complètement séparés.
Les Africains ne parlent plus entre eux. En tant qu’écrivain francophone, je ne croise en général que des écrivains francophones. Je ne rencontre pas les écrivains du Mozambique ou d’Angola.
Les Africains d’aujourd’hui se parlent à travers les langues coloniales, héritées du partage de l’Afrique en 1884 à Berlin. Nous ne traversons plus le continent, nous allons plus souvent en France, aux États-Unis ou en Belgique que sur notre continent.
Quand on parle d’Afrique et d’Africains, cela relève de l’onirique. L’Afrique unifiée est un idéal mais dans la réalité, cela ne correspond à rien.

1. La résidence de Boubacar Boris Diop à Bordeaux s’est déroulée du 7 au 24 novembre 2007.
Elle a été organisée par MC2a, Iddac, en partenariat avec L’UTSF-AR et l’ACSE.
Les extraits retranscrits sont issus de la rencontre avec Boubacar Boris Diop animée par Alain Ricard, qui a eu lieu le 9 novembre 2007 à la Bibliothèque Jean Degoul d’Eysines.
2. Le docker noir, Présence Africaine, Paris, 1973
3. Les bouts de bois de Dieu, Le livre contemporain, Paris, 1960
4. Le cavalier et son ombre, Paris Stock, 1997 (Prix Tropiques)
5. L’Afrique au-delà du miroir, Édition Philippe Rey, 2007
6. Les fondements culturels techniques et industriels d’un futur État fédéral d’Afrique noire, Présence Africaine, Paris, 1960
7. Doomi Golo, Dakar, Papyrus, 2003
8. Kaveena, Philippe Rey, 2006
9 Murambi, Le livre des ossements, Paris, Stock, 2000
///Article N° : 7169

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