« Ce n’est pas la peau qui importe mais le cœur »

Entretien d'Olivier Barlet avec Fatoumata Diawara

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Comédienne, danseuse et chanteuse de nationalité malienne, elle vit actuellement à Paris. Depuis l’âge de 14 ans, elle a pu jouer la comédie, chanter et danser avec des metteurs en scène talentueux (Sotigui Kouyate, Cheick Oumar Sissoko, Dani Kouyate) et des troupes célèbres (Mandeka Theatre, Royal de Luxe). En 2007, elle entame une carrière de chanteuse avec ses propres compositions. Elle participe en tant que choriste au projet malien « Red Earth » de la diva du jazz Dee Dee Bridgewater, avec elle qui chante en duo quatre chansons sur la scène du Bataclan à paris lors de ses concerts des 29 et 30 mars 2007 ainsi que sur sa tournée estivale. Dirigée par Cheick Tidiane Seck, elle enregistre des choeurs pour son album à Bamako. Elle travaille depuis plusieurs années avec la compagnie Royal de Luxe et interprète le rôle-titre de Karaba dans la comédie musicale « Kirikou et Karaba », tirée du film de Michel Ocelot, à l’affiche d’octobre à fin décembre 2007 au Casino de Paris, ainsi que pour la tournée du spectacle en France et en Europe. Elle joue également dans « L’Opéra du Sahel ». Entretien avec une femme d’une remarquable énergie !

Nous sommes au festival de Cannes. Quelle est votre impression cette année ?
Très forte car beaucoup de femmes sont réunies : réalisatrices, écrivaines, productrices, actrices… Nous sommes nombreuses : une vingtaine de femmes ici pour « Le parcours de la femme ». Je suis donc extrêmement contente ; c’est en revanche la première fois que je vis cela à Cannes et je suis très émue ! Je me dis « Ah, enfin elles se lèvent ! Elles se réveillent, elles commencent enfin à se battre pour ce métier ! » On entend beaucoup parler des hommes dans le milieu cinématographique africain et il n’y a pas tant de femmes que ça. Il y a des comédiennes, mais là j’ai l’occasion de voir autre chose : il y a des réalisatrices, des productrices, des scénaristes… C’est énorme ! Je suis très contente.
Vous sentez une solidarité, quelque chose qui bouge ?
Je sens une solidarité, je sens que les femmes se réveillent et je pense que cela va changer énormément de choses !
Il y a tout de même un certain nombre de réalisatrices, finalement…
Il y en a pas mal. Cela dit, à l’échelle d’un continent, il en faut encore ! Pour l’Afrique, il faut avouer que vingt femmes… Ce n’est rien, mais ce n’est qu’un début. Il y en a certainement d’autres ailleurs qui n’ont pas été invitées, mais s’il pouvait y en avoir encore mille de plus…
Avez-vous déjà tourné sous la direction d’une femme ?
Jamais. J’aimerais bien connaître cela… Mais je sens que ça va venir, inch’Allah ! (Rires)
Parallèlement à un certain nombre de courts-métrages, vous avez joué dans Il va pleuvoir sur Conakry, dans Sia, le rêve du python et dans La Genèse. De ces trois films, lequel vous a le plus marquée ?
Ils m’ont tous marquée car ils ont été faits à différentes périodes de ma vie. Dans La Genèse, je jouais un personnage très fort. Je me suis retrouvée avec Sotigui Kouyaté comme papa. Il avait un premier rôle, de même que Salif Keïta ; et Bala Moussa Keïta qui est un très grand du Mali et de l’Afrique. J’étais donc l’actrice principale au milieu de ces trois personnages forts et j’avais quatorze ans ! J’ai donc débuté avec quelque chose de très fort. Il a fallu que je grandisse tout de suite, comme si on ne m’avait pas donné le choix d’apprendre. Tout de suite, il fallait savoir comment faire. Soit tu sais faire, soit tu ne sais rien faire et tu te casses ! C’était bien, c’était un coup d’adrénaline et j’ai appris à me connaître, j’ai appris des tonnes de choses.
Ce tournage n’était pas des plus faciles, à Hombori dans le désert à 200 km au Nord de Mopti…!
Ce n’était pas du tout facile ! Les adultes ne se sont pas douté une seconde de ce que pouvait être un personnage de folle pour une enfant de quatorze ans ! Il faut quand même se transformer, réfléchir profondément… Sotigui m’a donné des indications pour le texte mais après, j’ai dû faire moi-même le cheminement, la recherche du personnage. Compte tenu des conditions, c’était très dur ! Mais après, j’ai eu à jouer Sia à dix-huit ans ; j’avais retrouvé entre-temps Sotigui Kouyaté pour Antigone, qui nous a pris deux ans. Je suis ensuite venue en France pour une création de deux ans, une sacrée expérience ! Après deux ans de mise en scène avec Sotigui, un travail intérieur incroyable et un apprentissage sur moi-même, j’avais tout de même appris un peu ! Je me suis découverte et me suis dit « C’est ce métier qu’il faut que je fasse. Je ne peux rien faire d’autre. »
Sur Antigone, vous aviez alors seize ans…
Oui, seize, dix-sept ans…
J’imagine qu’à quatorze ans, La Genèse était votre première expérience de cinéma. Qu’est-ce qui a rendu possible votre « saut » dans ce métier ?
Ce sont les gens qui étaient autour de moi qui ont cru en moi. Le fait qu’on ne m’ait pas laissé le choix, que j’aie dû apprendre sur le tas à travers un personnage aussi fort a fait que les gens m’ont beaucoup remarquée. Sur le plateau de La Genèse, il y avait un scénariste, Jean-Louis Sagot-Duvauroux, qui a fait l’adaptation et a d’ailleurs beaucoup compté dans ma vie. Ce monsieur a beaucoup cru en moi tout de suite : lorsqu’il m’a vue jouer ce personnage, il m’a dit que c’était comme ça qu’il le voyait, qu’il le rêvait. Quand il a appris ensuite que je n’avais jamais fait d’école de cinéma ou de théâtre, il s’est dit « Elle a quelque chose, il faut l’aider. » Il a suivi mon parcours, adapté Antigone et a voulu me prendre pour le spectacle. Et il m’a suivie jusqu’à présent ! Ensuite, j’ai suivi mon chemin, j’ai revu Sotigui sur le plateau de La Genèse et il m’a alors parlé du personnage de Sia. Il a accepté de me prendre dans sa mise en scène d’Antigone, qu’il a dirigée pendant deux ans. J’ai alors connu les meilleurs moments de ma vie ! C’est là que j’ai réalisé que ce métier était fait pour moi. Emotionnellement, j’ai découvert en moi une foule de choses. Il y avait une vie avec des adultes qui me rendait un peu sauvage ; je voulais montrer que j’étais forte, je me débattais sans cesse et je me battais contre moi-même. Par cette expérience, j’ai compris que la douceur m’allait mieux : être douce, prendre sur soi et donner plus de force en jouant ! Il est difficile de trouver les mots pour cela. Ainsi, sur Sia, il m’a semblé presque trop facile de jouer ! (Rires) C’était naturel pour moi. Il faut juste adapter les personnages à soi-même. Il n’y pas de petit rôle, on apprend partout. J’ai compris que tous les rôles étaient importants. La preuve : Il va pleuvoir sur Conakry, trois ans plus tard ! J’ai passé cinq ou six ans avec la compagnie Royal de Luxe, qui donnait des spectacles de rue. C’était très rock’n’roll ! J’y ai appris énormément de choses, notamment qu’on peut exercer ce métier n’importe où : au bord d’une plage, dans la nature, dans un château, dans le désert… J’ai parcouru le monde avec eux et j’en suis vraiment heureuse. Je me lance à présent dans la musique…
Etait-ce l’expérience camerounaise du Royal de Luxe ?
Non, nous sommes allés en Asie : Chine, Vietnam, Corée du Sud… Et dans le cadre d’activités musicales, nous nous sommes rendus au Mexique. Je vais maintenant au Chili chaque année depuis cinq ans. Il y a là-bas un grand festival de théâtre de rue où je suis invitée. Je m’y produisais déjà avec le Royal de Luxe, mais l’an dernier on m’a invitée en dehors de la compagnie : je travaillais alors sur Kirikou, une comédie musicale.
Quel genre d’expérience a été pour vous Il va pleuvoir sur Conakry ?
Ce fut une sacrée expérience ! En effet, après La Genèse et Sia, des gens qui m’ont vue jouer en Afrique m’ont souvent vue dans des personnages très durs. J’avoue que lorsque j’interprète des personnages durs, je vais chercher au fond de moi, dans mon passé, dans mon parcours de femme et de jeune fille. Ce n’est pas facile, il faut se battre pour s’affirmer dans ce métier. Dans Il va pleuvoir sur Conakry, mon personnage est une jeune fille en plein chagrin d’amour qui chante et qui danse. Dans un film africain, on ne m’avait jamais vue chanter et danser ! Personne ne sait que je chante. J’ai un parcours musical en France que je n’ai jamais poursuivi en Afrique. Ici, il n’y a pas tant de films. J’ai donc dû songer à un deuxième métier : si je ne suis pas comédienne, que vais-je faire dans quarante ans ? J’ai commencé à m’écouter et j’ai découvert à quel point j’étais passionnée par la musique, la voix. Enfant, je chantais quand j’étais malheureuse. J’ai toujours chanté dans ma vie, mais uniquement lorsque j’étais triste : quand je commençais à pleurer, je me mettais à chanter. Là, je me suis dit « pourquoi ne pas dominer ce côté larmes et l’utiliser dans la joie ? Pourquoi ne pas essayer de chanter en souriant et en partageant avec les gens ? » J’ai essayé cela, et c’est d’ailleurs au Royal de Luxe qu’ils ont découvert que je chantais : lorsque je me retrouvais seule, dans les toilettes ou lorsque j’allais marcher, je chantais. À très haute voix, parfois même je criais ! Lorsqu’ils ont remarqué cela, ils m’ont fait chanter petit à petit dans les pièces de théâtre et ensuite j’ai été désignée comme la chanteuse de la troupe. Après les spectacles, les gens me demandaient « Pourquoi tu ne chantes pas ? Tu nous as touchés pendant la partie chant ! De tout le spectacle, c’est ce qu’on a préféré… » Ça devenait un peu trop ! Les gens m’y poussaient, j’ai commencé à y songer. J’ai à présent un répertoire, j’écris et je compose. Cheick Fantamady Camara m’a dit : « Tu as d’autres qualités, d’autres talents à exploiter ; il faut qu’on te voie sous différents registres ! » En 2007, j’ai eu la chance de chanter avec Dee Dee Bridgewater sur son dernier album. J’ai tourné avec elle et on a partagé quatre ou cinq duos sur scène. C’était une sacrée expérience aussi, qui a confirmé mon désir de chanter. Actuellement, je travaille sur une comédie musicale, Kirikou et Karaba, où j’interprète le rôle-titre. Je m’épanouis dans le chant, dans la danse, dans le jeu d’acteur car le personnage est assez fort. La vie d’une femme, en fait ! (Rires)
Actrice, chanteuse, danseuse, comédienne : sans quoi vous révélez-vous le mieux ?
Ce sont des choses différentes. Tout m’aide à me révéler. J’ai envie de jouer de plus en plus, de danser, de chanter… En fait, je danse presque depuis que je suis née. Mon père avait une troupe de danseurs en Côte-d’Ivoire et il m’a souvent fait danser lorsque j’étais enfant. Je me suis découverte à travers ça. Quand je danse, c’est la violence que j’exprime. En effet, pendant un certain temps de ma vie, j’ai été battue. C’est mon corps qui s’exprime, je veux sortir et je crie… Je crois que lorsque je danse, j’ai envie d’affronter ce côté violent. Quand je chante, au contraire, c’est l’amour ; j’ai envie de donner beaucoup d’amour, d’émotion… Je veux m’exprimer, je parle beaucoup des rapports mère-fille, de l’adoption, de l’excision. Tout ce qui concerne les femmes et les enfants, l’éducation en Afrique. Mes chansons parlent de cela, c’est du vécu. Je ne cherche à représenter personne, je parle de moi et de ma vie telle qu’elle est. C’est une certaine vérité qui correspond à ma vie d’aujourd’hui. Quand je chante, c’est une tout autre émotion. Ça n’a rien à voir, mais c’est tout aussi passionnel que lorsque je danse. C’est aussi du vécu. Quand je joue, là j’interprète ! J’apprends que je peux jouer la vie, j’apprends la violence. Avec Karaba, qui est un rôle de sorcière, j’ai compris que j’avais mal, qu’en tant que femme j’ai trop accumulé. J’ai compris que j’avais vécu des choses qui sont là, qui ne partiront pas, quoi que je fasse. Elles resteront au fond de moi, je vis avec au jour le jour. À travers ces personnages, j’apprends que je peux en interpréter beaucoup. J’ai en fait beaucoup de personnages en moi ; je peux être à la fois douce, violente ou gentille. Emotionnellement, il y a encore beaucoup de choses que je peux explorer. C’est pour cela que le jeu d’acteur me passionne : on peut accéder à une maîtrise de soi-même. Il faut savoir faire cela pour être un bon acteur, il faut savoir être méchante lorsqu’on dit « Action ! » et redevenir soi-même quand on entend « Coupez ! ». Maîtriser ses actions, en fait, ça, ça me tue !
Il s’agit donc de vous connecter avec les choses qui vous parlent en ce monde de par votre vécu, et d’autre part d’arriver à le maîtriser…
Voilà, de gérer ses émotions. Pour un personnage, on m’a demandé de rire, et j’ai ri pleinement ! Quand on me dit stop, j’arrête. La sensation de se maîtriser, de se gérer, de se diriger avant de diriger les autres… Même si j’aimerais passer à la mise en scène dans l’avenir, je dois d’abord passer par là personnellement.
Vous aimeriez bien passer à cette étape suivante qui serait de mettre en scène, réaliser, etc. ?
Oui ! Cela fait quinze ans que je suis comédienne, que j’évolue dans ce métier et ça n’a pas toujours été facile. Mais je n’ai que vingt-six ans et je ne me vois pas en train de passer des auditions à quarante ans ! Si quelque chose me décourage, c’est de continuer à se battre en permanence pour cela. Je veux me battre, mais j’aime que les gens me donnent des opportunités, qu’ils me fassent confiance, qu’ils prennent le risque avec moi. Et cela me désespère un peu car ce n’est pas si fréquent que ça. En plus, je suis noire, africaine, comédienne… Je n’ai pas beaucoup d’atouts, mais je ne me plains pas. Tant de gens aimeraient être à ma place, je vais continuer le combat sans me décourager. Mais il faut savoir que c’est très dur. Dans le futur, vers quarante ans, j’aimerais donc éventuellement pouvoir mettre à profit la chance que j’ai eue et transmettre à d’autres jeunes filles ce que j’ai pu apprendre. Leur passer le flambeau… Je sais qu’il n’y en a pas beaucoup qui y croient, et je les comprends.
Vous songez faire de la formation ?
Oui, j’aimerais qu’il y ait des gens après nous, car c’est un métier magnifique. C’est trop beau !
Ça donne envie, en tout cas, à vous entendre !
Oui ! (Rires)
On connaît effectivement cette réalité des acteurs noirs en France : il y a très peu de rôles car être Noir bloque souvent dans des rôles stéréotypés. Vous êtes confrontée à cela en permanence, à un manque d’ouverture ?
Nous y sommes confrontés en permanence. Lors des auditions, ça ne va jamais, que ce soit la coiffure etc. On est sans cesse en train de nous juger sur des petites choses, on nous renvoie cette vérité : tu es Noire, tu n’es pas assez foncée… Il y a des gens qui ne m’engagent pas parce que je ne suis pas assez foncée de peau ! Pourtant, il n’y a pas plus africaine que moi… On s’en fout de la peau ! Il faut chercher à connaître ce que je suis et ce que j’ai envie de donner. Qui suis-je ? Je suis Fatoumata Diawara, je suis autre chose que ma peau. Je suis née en Afrique, je suis africaine, ma mère est Malienne, mon père est Malien… Je suis née en Afrique et j’ai grandi là-bas. Ce sont mes réalités ! Je vis avec ça à chaque instant. Pourtant, lorsque je passe des auditions et qu’on me dit que je ne suis pas assez africaine, ça prouve que les gens ne cherchent pas à comprendre. Par moments, c’est dur.
On vous renvoie le cliché en permanence ?
« Tu n’es pas assez foncée, tes tresses ça ne va pas… » Alors que mes cheveux font très africaine ! Pourquoi veut-on que nous fassions autre chose que ce que nous sommes ? Je suis Noire et je suis fière d’être Noire. Mes tresses en sont peut-être un signe. Il faut m’accepter comme je suis, chercher juste à connaître ce que mon cœur a à dire. Il faut que les gens se donnent le temps de connaître ces Africaines : elles peuvent être des femmes amoureuses même si elles sont Noires, elles peuvent être autoritaires… Elles peuvent être des femmes. Ce n’est pas la peau qui importe mais le cœur, son parcours de femme. Il faut lui donner sa chance, apprendre à la connaître, être tolérant. Il faut lui pardonner, même si elle est Noire ou pas assez foncée. Ce n’est pas ça l’important, mais son cœur et sa vérité !
Vous avez une belle énergie, que vous puisez dans le parcours dont vous parliez. Parmi toutes ces femmes africaines réunies ici ou d’autres, y en a-t-il qui vous ont servi de modèle ou ont influencé votre parcours ?
J’avoue que je n’ai pas beaucoup eu l’occasion auparavant de rencontrer celles qui sont ici, mais « F. C. », Fatoumata Coulibaly, qui vient du Mali, me connaît depuis mon enfance ! (Rires) Je me souviens d’ailleurs que sur le plateau de La Genèse, j’avais quatorze ans et, lorsqu’elle m’a vue pour la première fois, elle m’a dit « Ma fille, tu iras loin ! Mais ne te presse pas. » À l’époque, je ne savais pas de quoi elle parlait, mais je crois qu’elle a senti en moi l’envie de m’exprimer, le désir de vérité et de libérer cette énergie positive ! Je la rencontre aujourd’hui, et lorsque nous étions venues à Cannes pour présenter La Genèse, elle était là aussi ! Je l’ai souvent croisée et je pense qu’elle est un exemple. Je me dis « Quand même ! À son âge, elle continue de venir à Cannes, on ne la rejette pas… » Elle se bat, elle apprend aux jeunes filles à écrire des scénarios. Même si elle n’a pas toute l’énergie, il y a l’envie : ça se voit, c’est flagrant. Mais elle a en elle une sagesse qui me passionne. J’aimerais être comme elle un jour : pouvoir prendre sur moi et y croire. Cette femme croit à son métier et elle me donne envie d’y croire aussi, jusqu’à son âge. Car parfois, ce n’est pas facile : on se remet en question, on se demande si on a bien fait de choisir cette voie…
Lorsque vous aviez quatorze ans, au moment de La Genèse, quel a été le déclic qui vous a permis d’être prise, d’être sur le plateau ?
Le déclic s’est produit sur un autre plateau. J’avais joué dans Taafe Fanga d’Adama Drabo, où j’avais trois phrases à dire. Les gens qui étaient sur le plateau, et qui devaient être sur celui de La Genèse, m’ont remarquée tout de suite à travers ces trois phrases. Pendant l’audition, ils se sont dit qu’il fallait absolument que « la petite Diawara » passe ; « elle est jeune mais elle pourra peut-être jouer le rôle de Dina »… Pas mal de gens ont apparemment insisté pour que je passe l’audition pour La Genèse. Lorsque j’y ai été, ils l’ont arrêtée et m’ont dit tout de suite : « c’est toi ! ». Mais j’étais jeune. Un problème se posait : l’âge. Il s’agissait d’un personnage lourd et fort. La folie, ça se joue ! Même si tous les artistes ont une certaine folie, il faut quand même l’interpréter. Et à quatorze ans, je devais interpréter ce type de personnage, donc je remercie les gens qui ont cru en moi et qui, jusqu’à présent, continuent de croire en moi. Heureusement que mon chemin a croisé celui de gens qui, dès que je commence à parler, se disent : « Tiens, elle est capable de faire ça ! » C’est grâce à ces gens-là que je continue à croire en mon métier. Même s’il n’y en a pas des milliards, je me dis qu’ils existent et qu’ils sont là… Certains sont capables de sentir, ils osent donner et prendre des risques avec d’autres. C’est eux qui me donnent ma force, je la puise dans ces gens-là. Il n’y en a pas beaucoup, mais il y en a ! Je me dis que La Genèse, c’est cela : Cheikh Oumar a cru en moi et je le remercie, de même que Sotigui Kouyaté, Jean-Luc Courcoult, Jean-Louis Sagot-Duvauroux, Alioune Ifrane Ndiaye, Fatoumata Coulibaly et ainsi de suite !

Festival de Cannes 2008, transcription : Thibaud Faguer-Redig///Article N° : 7637

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